CHARTE

La “Charte de Barcelone pour les Droits des Citoyens à l’Ère Numérique” (#BarcelonaDigitalRights) a été présentée le 21 février 2019 au siège de l’Ordre des Avocats de Barcelone (ICAB) dans le cadre du II Digital Law World Congress.

- CHARTE POUR LES DROITS DE LA CITOYENNETE A L’ÈRE NUMÉRIQUE -

Nous avons vécu une véritable révolution favorisée par la globalisation et nous nous trouvons face à une nouvelle Ère numérique.

Le développement de la Société et de l’Économie dans un monde globalisé dépend, dans une large mesure, d’un bon déploiement, juste et équilibré, de la Société de l’Information et de la Connaissance.

La Société de l’Information et de la Connaissance et l’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication constituent une partie essentielle du libre développement de la personnalité.

Les TIC sont déjà une parcelle de la réalité et pour garantir le libre exercice des droits fondamentaux et des libertés publiques, cette parcelle doit être juridiquement et techniquement sure.

Il doit être garanti à toutes les personnes un accès basique et auquel il ne peut être renoncé aux technologies de l’information et de la communication, y compris l’Internet, dans le but de minimiser les effets de l’exclusion numérique.

Par ailleurs, il existe un haut degré de désinformation concernant les implications dérivées de l’usage des technologies de l’information et de a communication.

On constate également que les ordres juridiques se trouvent en présence d’un enjeu complexe, difficile à aborder, lié au règlement des conflits et des controverses numériques.

Dans ce sens, une nouvelle génération de droits des personnes devient nécessaire, une génération mettant l’accent et tenant compte de cette réalité numérique, de l’homme et de ses droits essentiels comme noyau, laissant ainsi le pas à de nouvelles conquêtes dans le domaine des droits de l’homme, outre celles que l’Humanité a fait jusqu’à nos jours.

C’est donc pour cette raison que les droits suivants doivent être reconnus comme des droits des personnes dans l’ère numérique:

Toutes les personnes ont le droit au développement libre de leur propre personnalité dans les environnements numériques et à une garantie de l’identité numérique comme partie de la personnalité.

Dans ce sens, toutes les personnes ont le droit ont le droit à ce que leur identité numérique soit toujours active et interopérable dans l’environnement numérique.

Toutes les personnes ont droit à la citoyenneté numérique, cette dernière étant entendue comme un ensemble de droits et d’obligations, comme sujet qui interagit dans les environnements numériques, créant des situations juridiques et des obligations, notamment quant à l’utilisation responsable des technologies de l’information et de la communication.

Les technologies numériques doivent être au service de l’humanité pour garantir la dignité des personnes et le libre développement de la personnalité.

Toutes les personnes ont droit à la sauvegarde de leurs droits et de leurs biens juridiques face aux nouveaux progrès technologiques.

De même, le droit de toute personne à une vie digne et à ne pas être discriminée face à l’accès à des services essentiels faute de formation numérique doit être préservé.

Toutes les personnes ont le droit d’accéder aux technologies numériques et de la communication, sans discrimination à cet accès pour des raisons de naissance, de race, de genre, de religion, d’origine, d’opinion ou pour toutes autres conditions ou circonstances personnelles ou sociales.

De même, comme expression de la liberté d’action personnelle, toutes les personnes ont droit à la connexion numérique volontaire.

Toutes les personnes ont le droit de disposer d’une infrastructure technologique ouverte et libre, et à ce que l’usage des technologies ne soit pas nocif et à ce qu’il ne porte pas préjudice aux personnes ou à leurs droits.

L’autonomie des systèmes développés technologiquement doit être contrôlée en ultime instance par des personnes, surtout si leurs droits et leurs libertés peuvent se voir affectés.

Toutes les personnes ont le droit à l’intimité, à la vie privée et au secret de leurs communications. Ces droits doivent aussi et surtout demeurer garantis dans le domaine numérique.

Le secret et la confidentialité des communications personnelles et le droit à l’usage des technologies qui assurent cette dernière doivent être garantis, tout comme l’interdiction de surveillance massive, sous réserve des restrictions légalement prévues pour garantir d’autres droits, ainsi que la sécurité publique dans le plein respect, en l’occurrence, des droits et des libertés individuelle, à travers l’intervention judiciaire adéquate.

Il convient de garantir le droit à l’authentification de l’auteur et l’intégrité des contenus.

En conséquence et en développement du droit à l’intimité, à l’image de soi et à l’honneur et à la réputation personnelle, toutes les personnes ont droit à l’oubli et au souvenir numérique. Dans ce sens, il conviendrait d’articuler des mécanismes visant à leur effectivité.

Le droit à l’oubli doit garantir la suspension des données personnelles qui figurent dans les moyens numériques, à condition que ces données ne soient pas utiles et actuelles, conformément et sans préjudice du respect à la libre expression et à la liberté de l’information étant dû.

Le droit au souvenir numérique permettra aux personnes de gérer, de maintenir et de conserver les contenus et les propriétés susceptibles de droits qui leur appartiennent, ainsi que l’établissement de directives quant à leur héritage ou à leur legs numérique, en cas de décès. De même, il prévoit des obligations pour les fournisseurs de services d’Internet et d’autres réseaux de communication interconnectés quant à la sauvegarde desdits contenus et droits.

Toutes les personnes ont un droit de contrôle et de disposition de leurs données personnelles et un droit à la protection de ces données, comme développement du droit à l’intimité personnelle et à la vie privée.

Il appartient aux personnes elles-mêmes de décider, de manière libre et volontaire, de la cession, l’usage, le traitement et la destination qu’elles souhaitent faire ou donner à leurs renseignements personnels.

Il convient d’établir des mécanismes qui permettent d’exercer un contrôle de l’usage des données personnelles pour éviter des situations d’abus, l’illicéité de traitements ou d’usages contraires ou portant atteinte aux droits des personnes.

De même, il convient de reconnaître le droit à la transparence quant à l’usage d’algorithmes et de critères sur lesquels se fondent les décisions autonomes.

Le droit fondamental de protection des données à caractère personnel doit garantir la dignité de la personne contre les abus auxquels peut donner lieu l’exploitation économique de ces données. Les droits d’exploitation économique des renseignements personnels ne doivent jamais prévaloir sur les droits de la personnalité quels qu’ils soient dans le traitement des données relatives aux personnes physiques.

Comme expression de la liberté de pensée, d’expression et d’information, toutes les personnes ont le droit à la garantie des principes de transparence, de proportionnalité et de non-discrimination, toute pratique de blocage, de restriction, de filtrage, de ralentissement ou de priorisation des contenus à disposition des utilisateurs étant expressément interdite, ainsi que toute pratique portant atteinte à l’usage du réseau comme espace ouvert dans lequel toute personne peut participer en toute égalité des chances et en garantie d’un accès libre et transparent aux contenus.

Ce droit sera exercé à travers le respect des autres droits des personnes, le droit à la rectification et à la mise à jour des contenus qui touchent auxdits droits et non pas d’intérêt général devant donc être garanti.

Il sera posé les conditions requises et les actions nécessaires seront réalisées dans les environnements numériques, dans le but de faciliter et de renforcer la pensée critique comme garantie de la liberté d’opinion et du libre exercice des droits politiques des personnes.

Toutes les personnes ont droit à l’éducation et à la formation dans la connaissance et l’usage responsable des nouvelles technologies, ainsi qu’à la formation professionnelle dans le domaine des nouveaux moyens technologiques.

Les administrations publiques, en collaboration avec les entreprises technologiques, doivent promouvoir des politiques visant à éliminer les obstacles qui gênent l’usage des nouvelles technologies et l’accès à ces dernières par l’élimination des fractures numériques, ainsi que visant à diffuser et à promouvoir les nouveaux droits et les nouvelles libertés de la citoyenneté à l’ère numérique.

Le droit à la liberté d’entreprise et aux initiatives patronales et la capacité d’exploitation économique de la technologie doivent être reconnus, même si certaines limites devront être respectées, basées sur le respect des droits de l’homme et des principes d’éthique entrepreneuriale et la responsabilité corporative.

L’activité des entreprises et l’investissement dans la R+D+i du secteur technologique doivent tenir compte des politiques nationales et supranationales et contribuer de manière appropriée au développement de la capacité d’innovation locale et nationale, avec un engagement dans le transfert et la diffusion des technologies et de la connaissance, en tenant bien compte de la protection des droits de la propriété intellectuelle et aux secrets commerciaux et industriels, qui doivent eux-aussi être préservés dans le domaine numérique.

L’activité commerciale doit tenir compte du progrès technologique des territoires dans lesquels il est opéré ou dans lesquels il est obtenu des résultats locaux ; le développement scientifique et technologique local sera donc encouragé à cet effet.

L’exploitation des droits de propriété intellectuelle et industrielle et le transfert des technologies doivent contribuer aux attentes de développement durable à long termes des États.

Toute technologie doit garantir le respect des droits de l’homme par défaut, dès sa conception, dans le but de respecter les principes, les droits et les libertés visés dans la présente charte. Les entités qui créent ou développent une technologie quelle qu’elle soit sont tenues d’être à même d’attester du respect des droits et des libertés des personnes.

Tout modèle de commerce doit attester, avant et pendant sa mise en œuvre, du fait que son mode de production et d’exploitation, et les effets économiques, sociaux et politiques sur la société et l’environnement d’application ne portent pas atteinte aux droits de l’homme et aux libertés des personnes.

Toute personne a le droit de participer librement à la vie culturelle de la communauté, à jouir des arts et à participer au progrès scientifique et à en bénéficier à travers les environnements numériques.

Toute personne le droit d’exprimer et de diffuser librement ses pensées, ses idées et ses opinions ; le droit à la production et à la création littéraires et à communiquer ou recevoir librement des informations vraies, par tout moyen.

Toute personne a droit à l’accès aux contenus informatifs, culturels, artistiques, scientifiques, institutionnels et politiques, accès qui ne pourra pas être interdit ou altéré par des tierces personnes, physiques ou morales, y compris les opérateurs technologiques, ainsi que les États ou les organisations nationales ou supranationales, qui doivent garantir le pluralisme et la diversité culturelle.

Toute personne a droit à la protection des droits et des intérêts moraux et matériaux résultant des productions scientifiques, littéraires ou artistiques dont elle pourrait être l’auteur.

Les limites et les exceptions aux droits des titulaires ne peuvent exister que dans certains cas particuliers légalement prévus et qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et ne lèsent pas injustement les droits légitimes des titulaires de tels droits.

Les créateurs ont le droit à l’intégrité de leurs œuvres, à être identifiés, à pouvoir décider de l’exploitation de celles-ci et à obtenir une rémunération qui corresponde à la valeur que ces œuvres créent.

Tout créateur a le droit de disposer de l’opportunité d’obtenir une plus grande diffusion de son œuvre dans l’environnement numérique, dans des conditions de respect, équitables et transparentes.

Les États, les opérateurs technologiques et les plateformes numériques doivent veiller à éviter toute appropriation des droits des titulaires par des tiers, ainsi qu’à éviter la diffusion de faux contenus, de faux produits ou de faux services, sans préjudice du respect étant dû d’autres droits.

Toute personne a le droit à la garantie de l’égalité de traitement et à l’interdiction des discriminations dans l’accès et l’usage des technologies.

Il conviendra de veiller à l’élimination des différentes fractures numériques, à l’interdiction de la discrimination quelle qu’elle soit, et cela à partir de l’information et du comportement dans le réseau ou dans l’usage des technologies.

Les mineurs, les personnes présentant une diversité fonctionnelle et d’autres groupes de personnes vulnérables ont le droit à l’égalité des chances dans la société de l’information et de la communication ; cela permet de garantir l’accès universel aux outils et aux applications numériques, à travers l’usage de standards qui facilitent cet accès dans des conditions de transparence, de sécurité et adaptées aux besoins spéciaux.

D même, ces personnes ont le droit:

À la promotion de l’usage des TIC comme outil éducatif et d’inclusion.

À une protection spéciale face à l’impact psychologique que peut avoir l’usage des TIC.

À la création de canaux de plainte, de protection et de défense des droits et des libertés telle que la confidentialité, accessibles et adaptés à leurs besoins.

Dans le cadre des relations de travail et de dépendance économique, toute personne a le droit à la protection de son intimité et de sa vie privée, à la transparence dans l’usage d’algorithmes pouvant avoir une influence sur leur rendement, à la déconnexion numérique, à la conciliation de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle, à la protection de la santé et à l’égalité des chances face à l’usage des différents dispositifs et progrès technologiques.

Les pouvoirs et les administrations publiques doivent porter une attention toute particulière aux groupes de personnes dont l`’accès au travail pourrait se voir gêné ou empêché faute de formation numérique, dans le but de garantir une vie digne à toutes les personnes.

Tout développement technologique doit aussi tenir compte du respect de l’environnement et constituer un développement viable.

Les entreprises et les communautés d’utilisateurs qui promeuvent des développements technologiques demandant une consommation d’énergie élevée ou disproportionnée doivent promouvoir des formules visant à réduire cette consommation dans le délai le plus court possible.

Le développement de produits technologiques doit être accompagné de garanties quant à la sécurité des personnes, qui ont le droit de connaître, par des formules transparentes, les conséquences précises que l’usage des différents développements technologiques peut avoir sur leurs droits et sur leurs libertés, ainsi que les mesures à prendre pour un usage sûr de ces développements ou progrès.

La transparence et l’inexistence de Back Doors doivent être garanties. Doit aussi être garanti le droit de savoir ce que fait un programme ou une technologie, et de connaître les paramètres sur lequel un système autonome s’est basé pour prendre une décision, ainsi que les conséquences de cette décision sur les droits et les libertés des utilisateurs.

De même, le régime de responsabilité pour les décisions prises par des systèmes autonomes de décision devra aussi être établi de manière claire et transparente.

Pour garantir le libre exercice des droits de la personnalité et des libertés des personnes dans l’environnement numérique, le droit d’asile numérique sera accordé aux personnes qui le requièrent dans les cas prévus dans les conventions internationales.

Le droit d’asile numérique consistera en la suppression des barrières ou des limites établies par un ou plusieurs états pour empêcher le libre exercice des droits et des libertés de l’intéressé en garantissant ainsi la diffusion des informations, des opinions et des connaissances que crée l’intéressé lui-même.

Les personnes ont le droit de profiter des possibilités qu’offrent les progrès technologiques dans l’intérêt de la participation à l’activité publique.

De même, elles ont le droit à la transparence et au bon gouvernement publics.

Il convient de sauvegarder l’exercice du droit d’accès à l’information publique et garantir le respect des dispositions de bon gouvernement.

Les citoyens ont le droit d’accéder et d’utiliser les connaissances qu’ils ont  créé grâce à leur participation, ces connaissances étant entendues comme celles qui ont été créées, directement ou indirectement, grâce à leur financement obligatoire moyennant les impôts, au moyen des données apportées obligatoirement ou grâce aux actions qu’ils ont exécutées en conséquence d’une obligation imposée ou incontournable.

Les organisations publiques sont tenues de mettre ces connaissances à la disposition des citoyens de manière accessible et facile, en créant des communautés ouvertes et par la reconnaissance du droit à l’Open Data et à l’usage, dans la mesure du possible, d’un software libre, avec un code et un accès ouverts.

Les organismes publics doivent permettre des mécanismes de sauvegarde des droits des citoyens dans l’usage des développement technologiques et ainsi garantir à toutes les personnes l’accès effectif à des systèmes et à des mécanismes efficaces et efficients de règlement de conflits, facilement accessibles, gratuits et offrant une réponse rapide, qui compensent les différences économiques, géographiques et logistiques que présentent les consommateurs et les utilisateurs de développements technologiques face aux développeurs et aux corporations technologiques.

Les opérateurs technologiques et les plateformes numériques doivent mettre à la disposition des utilisateurs et des tiers des systèmes rapides et accessibles de communication et de plainte, ainsi que de règlement de conflits, avec une entière soumission aux tribunaux.

Les ordres juridiques doivent prévoir des réponses proportionnées et de réparation du préjudice causé, si tel est le cas.

De même, les différents pays doivent établir des protocoles de coopération internationale de manière à ce que le système territorial actuel ne représente pas pour les personnes un obstacle à l’exercice de leurs droits dans l’usage des développements technologiques, défendant donc la création d’instances et de Tribunaux internationaux pour le règlements de conflits numériques.

  1. Ce document correspond au premier texte daté du mois de janvier 2019 et est susceptible de modifications compte tenu des apports et des suggestions que pourraient effectuer les entités qui collaborent avec l’ICAB dans le processus de rédaction.